Institut de Géographie  Imaginaire
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Le lac de la Balme
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Où sont passés les deux condamnés ?
Soit la fameuse grotte de La Balme, en Isère ; soit le mystérieux lac qui se cache dans ses profondeurs (branche gauche). On raconte que François Ier, découvrant l’existence de cette mystérieuse nappe liquide lors de son voyage en Italie de 1516, voulut aussitôt savoir ce qui se trouvait de l’autre côté. Aucun courtisan ne consentant à braver les périls de l’antre, le Roi se résolût à tirer de leur geôle deux condamnés à mort. Pour prix de leur liberté, il les obligea à monter dans une frêle embarcation et à explorer ces arcanes liquides...

Cette fameuse anecdote, abondamment citée dans la littérature sur la grotte de la Balme, reposerait sur le récit qu’en a fait l’historien François de Mézeray dans son Abrégé de l’histoire de France. Sauf que : non seulement Mézeray ne dit rien de ces deux condamnés en question, dans les chapitres qu’il consacre à François Ier, mais il date sa venue à La Balme au mois d’avril 1538.

Serait-ce alors le fait de Nicolas Chorier, auteur de la célèbre Histoire générale du Dauphiné de 1661 ? Pas davantage ! Celui-ci attribuant même l’exploration du lac ténébreux à... François Ier en personne !

C’est le ministre Bourrit, dans le récit qu’il fait de sa glorieuse exploration du « lac » souterrain (lettre du 10 mai1788), qui, le premier, évoque l’existence de ces deux condamnés à mort. Mais d’où tient-il cette anecdote ? Qui sont les deux condamnés en question ? Que sont-ils devenus ? Ont-ils même existé ?

Et quid de François Ier alors ? S’il est bien venu à La Balme (les sources historiques sont formelles), se serait-il aventuré en personne sur le torrent souterrain et y aurait-il navigué « aussi loin qu’il pût le faire sans danger » (Chorier) ? Plus généralement : les historiens nous auraient-ils menti ?

Car on prétend aussi que ce torrent est « la matière inépuisable des fables et des mensonges du canton » (« Description de la grotte de la Balme en Dauphiné », 1775). Et même, « les physiciens modernes après bien des recherches n’ont pu trouver de nos jours, ni le gouffre, ni le lac dont parle Mézeray dans la vie de François Ier. Ce gouffre affreux a entiérement disparu, et ce vaste lac se réduit à un petit ruisseau » ( Encyclopédie ou dictionnaire raisonné des sciences, 1779).

Que s’est-il passé à La Balme, sur les rives du lac souterrain, en 1516 ou en 1538 ?

Pour en avoir le cœur net, deux vaillants membres de l’IGI, délaissant provisoirement le labyrinthe des archives historiques, se sont aventurés dans les profondeurs de la grotte, au mois d’août dernier (plein tarif : 8 euros). N’écoutant que leur courage, ils se sont avancés jusqu’à la rive du lac (aval), là où les deux condamnés auraient prétendûment embarqué, afin de vérifier in situ ce qui, du vrai et du faux, pouvait être démêlé. Ce qu’ils y ont découvert ? Rien qui pût conforter une hypothèse plutôt qu’une autre. Raison pour laquelle, sitôt retrouvé l’air libre, ils se sont dépêchés de replonger dans les salles d’archives.

Une prochaine expédition, au combien plus engageante et périlleuse, jusqu’à l’autre rive du lac (amont), sur les traces du ministre Bourrit lui-même, est en cours de préparation.

[à suivre]

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