Institut de Géographie  Imaginaire
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Pierres-monde
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Les Pierres-monde. — Sous-ensemble de la vaste famille des « pierres de rêve » (Roger Caillois), les « pierres-monde » (ou « Gonghsi » ou « pierres de lettrés chinois » ou « spéléolithes ») sont des pierres creusées, percées, sapées. Certaines possèdent une caverne unique, d’autre des myriades d’anfractuosités. Ces béances se prolongent parfois en de longues galeries qui serpentent dans la roche, sillonnant isolément ou s’abouchant les unes aux autres pour constituer de gigantesques réseaux souterrains, se ramifiant en labyrinthes, revenant sur elles-mêmes, rétrécissant ou prenant des dimensions de cathédrale. Elles offrent ainsi à la pierre, comme si elle avait été criblée de balles ou rongée par les vers, des orbites, des bouches, des pavillons, des évents, des caries, comme les mille et un orifices d’un crâne chimérique. Ces cheminements internes sont propices au travail de l’imagination et à l’extase de l’âme. Les Gongshi étaient un support de rêverie et de méditation pour les Taoïstes, qui y menaient des « randonnées mystiques » et y cherchaient les voies de l’immortalité. L’IGI cultive actuellement un gisement de pierres-monde, situé sur le littoral atlantique.

En plus des recherches actives qu’ils mène au sujet de ces spéléolithes, l’IGI a le plaisir de présenter au public :

# Son exposition : Les Isolés

# Son Musée éclaté des pierres-monde

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Les Isolés.— L’IGI a la chance d’avoir, parmi ses collections, des pierres-monde tout à fait particulières. Les Isolés, c’est une série de vingt pierres-monde, creusées par l’eau et les mollusques térébrants, sur lesquelles des êtres solitaires — silhouettes blanches et fantomatiques — sont venus s’échouer. Par le jeu des échelles, leur présence nous invite à nous faire minuscules et à nous projeter nous aussi sur ces écueils étranges, pour en arpenter les surfaces irrégulières ou pénétrer dans leurs entrailles. Ces pierres-mondes deviennent alors autant de lieux de retraite pour l’esprit et de portails vers l’imaginaire et la rêverie. Dernière exposition en date : manoir du Bignon, Morieux (22), juillet-août 2025

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Musée éclaté des pierres-monde Nous vous avons déjà parlé maintes fois des superbes collections de pierres-monde et de spéléolithes que nous avons la chance d’héberger dans nos modestes locaux de Saint-Jean-du-Doigt. Cependant, certaines pierres-monde, tout à fait homologuées comme telles, se prêtent difficilement, du fait de leurs dimensions, aux commodités de la conservation muséologique. Elles ne peuvent être présentées qu’< span class="text78">in situ et doivent par là même être explorées physiquement. Ainsi de cette imposante masse de calcaire, creusée de taffonis, qui domine le Val d’Enfer [n°10] ; ou de la pointe du Jas, au cap Fréhel, percée de cavités reliées les unes aux autres [n°3]. C’est pourquoi l’IGI a souhaité constituer un « Musée éclaté des pierres-monde ». Se déployant à l’échelle  de l’Hexagone, il prend la forme d’une carte de situation localisant  toutes les pierres-monde de taille supérieure que nous avons pu croiser et identifier au cours de nos pérégrinations. On y retrouve la pierre « Petite montagne creuse », exhumée en 2024 sur les rives du Tarn, à Ispagnac [n°1], la grotte des Fées de Leucate [n°18], notre monument à Jean-Marie Massou [n°13], les anciens habitats troglodytiques de Saint-Pierre-Eynac [n°4], la célèbre Roche-éponge de la forêt de Fontainebleau [n°9], et d’autres encore. à vous de les trouver !
Ce Musée éclaté des pierres-monde sera inauguré le 18 juillet prochain, au manoir, 29 rue des Villes Neuves, à Morieux, parallèlement au vernissage de notre exposition « Les Isolées ».

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Septembre 2025 • Article publié dans la revue Initiales

« Il faut savoir parfois s'éloigner des galeries parisiennes, et prendre le risque du dehors, pour se donner la chance d'une expérience artistique. […] C'est à Morieux, dans les Côtes d'Armor, au manoir du Bignon, que quelque chose s'est passé. Dans ce jardin paysager, sur des sections de troncs encore gorgées de sève, des pierres. Mais pas n'importe lesquelles... Elles ne sont pas bien grandes, certes, et sont d'une couleur terne oscillant entre le beige et le grisâtre. Oui mais voilà. Ces pierres ont été magnifiquement travaillées par la nature. S'agit-il de l'eau ? Du vent ? D'invraisemblables créatures marines ? De toutes ces forces unies et accouplées à d'autres, plus invisibles encore ? […] On se penche devant ces pierres trouées, sapées, creusées comme des éponges et aussitôt l'esprit cavale. On se retrouve là, perchée sur l'un ou l'autre de ces pics, de ces rocs, de ces écueils, arpentant des galeries qui serpentent dans ces blocs de grès ou de calcaire mille fois pétris et remodelés. Les artistes ayant pris soin de placer, en leur creux, une figurine miniature, pétrifiée dans une pose de contemplation ou au contraire de course effrénée, valise à la main, chacun de ces « Isolés » est l'occasion d'une rencontre – qui est peut-être bien, après tout, une rencontre avec soi-même – et donc d'un ineffable moment d'introspection. On se relève, l'esprit embrumé, pour plonger dans un autre paysage aux modelés proches d'un crâne aux formes ramollies (ô vanité), et flâner encore. […] Des dessins au crayon et des photographies de grottes marines viennent prolonger ces plongées immobiles et leur offrir des ramifications inouïes – preuve a contrario que, ces dernières années, l'art contemporain s'est un peu regardé le nombril. Nous avons presque hésité, au moment d'évoquer ce travail dans les pages de notre revue, tant ces Isolés mériteraient de rester à l'écart du monde justement, dans leur solitude et leur silence – comme des rêveurs esseulés voyageant dans le secret de leur sommeil. Mais après bien des discussions au sein de notre comité éditorial, il nous paraissait injuste de priver le grand public de cette rafraîchissante proposition. » [ Initiales n° 89, sept. 25, P. Strönv, p. 25-26]

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Mai 2025 • La Grotte des fées de Leucate

Il y a à Leucate, sur les rives de l’étang de Salses-Leucate, une « grotte des Fées ». Plusieurs descriptions évoquant son « enchâssement d'orifices d'entrée », nous avons pensé qu’elle pouvait dignement prétendre au statut de « pierre-monde ». L’un de nos agents, que d’autres circonstances ont récemment conduit dans la région, a pu le vérifier sur site. Voilà le récit que – en élève modèle – il nous a livré, pour sa part, quelques jours seulement après son exploration.

Après avoir franchi la lisière de la ville, matérialisée par la bande de la D627, il faut marcher un court moment dans la garrigue, sous un soleil blanc lustré par les vents du large. On passe une rangée de forts de la Deuxième guerre, parpaings éventrés et métal rongé de sel. Là, au milieu des pins, à l’écart de quelques villas bâties à flanc de cuvette : une vaste dalle rocheuse entourée d'un haut grillage avec, en guise de justification, un antique panneau rouillé invoquant le risque de chute.
Sur son flanc droit, le grillage est confortablement ouvert. On l’enjambe sans avoir l’impression de commettre une infraction. On foule alors cette large et irrégulière plaque de calcaire grise, percée çà et là de larges béances. Celle située le plus à l’ouest est facilement pénétrable, moyennant une rapide désescalade. Le calcaire y est magnifiquement ouvragé, déployant, tout en courbes, ses rotondités et ses arabesques. On atteint en quelques pas un siphon opaque, duquel émerge un fragile fil de vie. Les galeries alentours sont trop étroites pour tenter celui qui s'est aventuré là en habits du dimanche.
Retour sur la dalle. Plus au sud, un simple trou, d’à peine cinquante centimètres de large, plonge son bras noir dans les ténèbres.
Un troisième orifice, quelques mètres plus loin, large pourtant, résiste à une tentative d’accès.
On contourne quelques halliers et c'est un magnifique gouffre déroule à présent son toboggan jusque dans les entrailles de la roche. Il fait peut-être, au jugé, cinq ou six mètres de profondeurs. Au fond, une flaque d'eau croupie trahit peut-être la présence d’un autre siphon. Il faut contourner cette ouverture par le nord, et se rapprocher du grillage, pour prolonger la visite. Là, cachée derrière un repli de la roche : une autre ouverture verticale. Bien qu’elle soit à pic, il est possible cette fois de s’y engouffrer et, en s’aidant des prises dans les calcaire, de prendre pied deux mètres plus bas, au fond de ce qui ressemble à une marmite d’un mètre de diamètre. Celle-ci est crevée d’un large trou au niveau du sol.
Il suffit d'y mettre la tête pour comprendre qu'on se trouve à l'orée de la grotte des Fées proprement dite. [La veille, à Toulouse, j’étais tombé par le plus grand des hasards sur Françoise Morvan, préfacière du recueil de Paul Sébillot Fées des houles, sirènes et rois de mer, qui a tant inspiré mes pérégrinations dans les grottes marines bretonnes...] Dans un déconcertant clair-obscur, les entrailles de cet invitant précipice se donnent à voir comme une succession d’arches naturelles, emboîtées les unes dans les autres.
À se glisser dans l’orifice, et à se faufiler entre ces arches, une fois par le dessus, une fois par le dessous, il ne fait plus aucun doute que cette grotte des Fées est bien une pierre-monde – celle que les lettrés chinois appelaient gongshi et qu’on appelle également « pierres de rêves », « pierres de lune », « porolithes » ou « spéléolithes ». Et même une pierre-monde sans pareille sur la terre. Dans le Tcho-keng-lou, T’ao Tsong-yi écrivait, à propos d’une pierre nommée « Encrier-montagne » ou « Montagne-encrier » : « […] la grotte inférieure communique avec la grotte supérieure en une triple contorsion. J’y ai fait un jour une randonnée mystique ».
On pense à la Grotte des Fées (ou Trou de la Lune) de Tharaux ; au scialet aux arches multiples du Clot d’Aspres, dans le Vercors. On cherche des comparaisons pour décrire cette architecture de pierre : éponge, gaufrier, rucher, nid-d’abeille – ou ce beau nom de madrépore, mille fois repris par Victor Hugo.
Quelqu'un avait écrit quelque part : « Imaginez un paysage qui serait non seulement composé de plusieurs arches, mais même qui ne serait composé que d’arches, d’une infinité d’arches – c’est-à-dire de galeries connectées entre elles et de passerelles communiquant les unes avec les autres. Dans un tel paysage, il serait impossible de savoir si l’on se trouve dans un intérieur ou extérieur, dans du plein ou sur du vide – mosaïque spatiale composée d’un pur entrelacs de présences et d’absences. »
En bas, après avoir franchi d’autres arches encore, on se retrouve – contrechamp – au pied de l’orifice principal de la cavité, avec sa toison remontante de broussailles. Au pied de la nappe d’eau, tout se délie. On se croit à la fois géant et liliputien, on fraye entre les mondes et les ères, entre les continents du passé et les planètes futures. On boit à la coupe de l’éternité. Et quand on retrouve le soleil, impossible de savoir si on a rajeuni ou simplement retrouvé sa taille humaine.

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Août 2024  • Vernissage « Petite montagne creuse »

Une équipe de géologues imaginaires de l'IGI, en service recommandé au pied du causse Méjean, a exhumé des bords du Tarn une magnifique pierre-monde (ou gongshi ou spéléolithe) d'une bonne dizaine de kilos. Elle a été redressée, stabilisée et nettoyée, avant que ses galeries et ses communications internes soient méticuleusement révélées. Les photos que nous avons reçues à cette occasion sont superbes (n'hésitez pas à nous en réclamer quelques reproductions). Un vernissage à base de chips au vinaigre et de cidre normand a été organisé sur site, le 17 août à 18h30. Vacancier·ère·s, visiteur·euse·s de passage et Ispagnacois·e·s n'ont pas manqué de se prêter au petit jeu de piste leur permettant de s'associer à ces réjouissances. Cette pierre-monde, baptisée « Petite montagne creuse » [n°48-25-001], vient rejoindre notre Musée éclaté des Pierres-mondes, dont une carte générale est en cours de réalisation.

[PS : Les mêmes géologues imaginaires n'ont pas manqué, au retour de leurs pérégrinations, de faire un détour par le petit port de F***, en Charente-Maritime, afin d'y prélever, sur un gisement connu d'eux seuls, une vingtaine de nouveaux spéléolithes. Ceux-ci seront prochainement présentés, à l'occasion d'une grande exposition hors-les-murs, aux Saint-Jeannais et Saintes-Jeannaises. Plus d'infos à venir...]

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