Institut de Géographie  Imaginaire
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Pierres de rêves
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[Note d’intention] Dans la vaste famille des « pierres de rêve » (Roger Caillois) ou « pierres à histoires » (Maëlla Dhondt), l'IGI s'est spécialisé dans l'étude, la collecte et la valorisation de ces trois sous-ensembles que sont :
1° les « Pierres-monde » ou « gonghsi » ou « spéléolithes » : pierres percées, sapées, trouées de toutes parts, offrant des cheminements internes, propices au travail de l'imagination et à l'extase de l'âme. Nous cherchons notamment à réactiver les dispositions psychogéographiques qui permettaient aux anciens lettrés chinois d’y mener des « randonnées mystiques » et d’y chercher les voies de l'immortalité. Nous cultivons aujourd’hui un gisement de ces pierres-monde, situé sur le littoral atlantique ;
2° les « Gogottes » ou « poupées » : concrétions de silice blanches arborant des formes à haute qualité sculpturale et organique  [voir nos Curiosa]. Nous sommes aujourd’hui en charge de quatre gisements sur le territoire hexagonal. Plusieurs variétés sont recherchées : gogottes de Fontainebleau, dragées de Glavenas, poupées des grottes du Bugey, pierres mollasse de la Drôme des collines. Dans le cadre de ce programme, il nous est récemment apparu que les gisements de gogottes de Fontainebleau devaient être envisagées comme des portails vers les « jardins statuaires », tels que les a décrits Jacques Abeille dans son cycle dit des « Contrés » ;
3° les « bibliolithes » ou pierres-livre.

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Juillet 2025
Musée éclaté des pierres-monde

Nous vous avons déjà parlé maintes fois des superbes collections de pierres-monde et de spéléolithes que nous avons la chance d’héberger dans nos modestes locaux de Saint-Jean-du-Doigt. Cependant, certaines pierres-monde, tout à fait homologuées comme telles, se prêtent difficilement, du fait de leurs dimensions, aux commodités de la conservation muséologique. Elles ne peuvent être présentées qu’ in situ et doivent par là même être explorées physiquement. Ainsi de cette imposante masse de calcaire, creusée de taffonis, qui domine le Val d’Enfer [n°10] ; ou de la pointe du Jas, au cap Fréhel, percée de cavités reliées les unes aux autres [n°3]. C’est pourquoi l’IGI a souhaité constituer un « Musée éclaté des pierres-monde ». Se déployant à l’échelle  de l’Hexagone, il prend la forme d’une carte de situation localisant  toutes les pierres-monde de taille supérieure que nous avons pu croiser et identifier au cours de nos pérégrinations. On y retrouve la pierre « Petite montagne creuse », exhumée en 2024 sur les rives du Tarn, à Ispagnac [n°1], la grotte des Fées de Leucate [n°18], notre monument à Jean-Marie Massou [n°13], les anciens habitats troglodytiques de Saint-Pierre-Eynac [n°4], la célèbre Roche-éponge de la forêt de Fontainebleau [n°9], et d’autres encore. à vous de les trouver !
Ce Musée éclaté des pierres-monde sera inauguré le 18 juillet prochain, au manoir, 29 rue des Villes Neuves, à Morieux, parallèlement au vernissage de notre exposition « Les Isolées ».

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Juin 2025
Approche des bibliolithes

On se souviendra que, après s’être interrogées sur les causes et raisons du « O » d’Oncieu, dans l’Ain, deux de nos enquêteuses s’étaient initiées aux joies de la lithographie, d’abord à Cerin, dans le Bugey, puis dans les studios d’Idem Paris, au pied de la tour Montparnasse, où elles tombaient en extase devant l’imposante et massive bibliothèque de pierres de l'atelier. Qu’il y ait des livres de pierre, c’est ce qui devait se confirmer pour elles, quelques mois plus tard, dans le Trégor finistérien. Là-bas, sur les rives de la pointe de Barnénez, l’eau et les vents exhument de fantastiques bibliolithes, livres de granite aux fines pages de schiste, dont certains échantillons ont été si magnifiquement révélés par le sculpteur Laurent Bigler. Nous avons nous-mêmes récemment découvert, sur le même site, un intriguant parchemin de pierre dont nous continuons à chercher à percer le sens. Plus de renseignement dans notre prochain bulletin.  

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Mai 2025
La Grotte des fées de Leucate

Il y a à Leucate, sur les rives de l’étang de Salses-Leucate, une « grotte des Fées ». Plusieurs descriptions évoquant son « enchâssement d'orifices d'entrée », nous avons pensé qu’elle pouvait dignement prétendre au statut de « pierre-monde ». L’un de nos agents, que d’autres circonstances ont récemment conduit dans la région, a pu le vérifier sur site. Voilà le récit que – en élève modèle – il nous a livré, pour sa part, quelques jours seulement après son exploration.

Après avoir franchi la lisière de la ville, matérialisée par la bande de la D627, il faut marcher un court moment dans la garrigue, sous un soleil blanc lustré par les vents du large. On passe une rangée de forts de la Deuxième guerre, parpaings éventrés et métal rongé de sel. Là, au milieu des pins, à l’écart de quelques villas bâties à flanc de cuvette : une vaste dalle rocheuse entourée d'un haut grillage avec, en guise de justification, un antique panneau rouillé invoquant le risque de chute.
Sur son flanc droit, le grillage est confortablement ouvert. On l’enjambe sans avoir l’impression de commettre une infraction. On foule alors cette large et irrégulière plaque de calcaire grise, percée çà et là de larges béances. Celle située le plus à l’ouest est facilement pénétrable, moyennant une rapide désescalade. Le calcaire y est magnifiquement ouvragé, déployant, tout en courbes, ses rotondités et ses arabesques. On atteint en quelques pas un siphon opaque, duquel émerge un fragile fil de vie. Les galeries alentours sont trop étroites pour tenter celui qui s'est aventuré là en habits du dimanche.
Retour sur la dalle. Plus au sud, un simple trou, d’à peine cinquante centimètres de large, plonge son bras noir dans les ténèbres.
Un troisième orifice, quelques mètres plus loin, large pourtant, résiste à une tentative d’accès.
On contourne quelques halliers et c'est un magnifique gouffre déroule à présent son toboggan jusque dans les entrailles de la roche. Il fait peut-être, au jugé, cinq ou six mètres de profondeurs. Au fond, une flaque d'eau croupie trahit peut-être la présence d’un autre siphon. Il faut contourner cette ouverture par le nord, et se rapprocher du grillage, pour prolonger la visite. Là, cachée derrière un repli de la roche : une autre ouverture verticale. Bien qu’elle soit à pic, il est possible cette fois de s’y engouffrer et, en s’aidant des prises dans les calcaire, de prendre pied deux mètres plus bas, au fond de ce qui ressemble à une marmite d’un mètre de diamètre. Celle-ci est crevée d’un large trou au niveau du sol.
Il suffit d'y mettre la tête pour comprendre qu'on se trouve à l'orée de la grotte des Fées proprement dite. [La veille, à Toulouse, j’étais tombé par le plus grand des hasards sur Françoise Morvan, préfacière du recueil de Paul Sébillot Fées des houles, sirènes et rois de mer, qui a tant inspiré mes pérégrinations dans les grottes marines bretonnes...] Dans un déconcertant clair-obscur, les entrailles de cet invitant précipice se donnent à voir comme une succession d’arches naturelles, emboîtées les unes dans les autres.
À se glisser dans l’orifice, et à se faufiler entre ces arches, une fois par le dessus, une fois par le dessous, il ne fait plus aucun doute que cette grotte des Fées est bien une pierre-monde – celle que les lettrés chinois appelaient gongshi et qu’on appelle également « pierres de rêves », « pierres de lune », « porolithes » ou « spéléolithes ». Et même une pierre-monde sans pareille sur la terre. Dans le Tcho-keng-lou, T’ao Tsong-yi écrivait, à propos d’une pierre nommée « Encrier-montagne » ou « Montagne-encrier » : « […] la grotte inférieure communique avec la grotte supérieure en une triple contorsion. J’y ai fait un jour une randonnée mystique ».
On pense à la Grotte des Fées (ou Trou de la Lune) de Tharaux ; au scialet aux arches multiples du Clot d’Aspres, dans le Vercors. On cherche des comparaisons pour décrire cette architecture de pierre : éponge, gaufrier, rucher, nid-d’abeille – ou ce beau nom de madrépore, mille fois repris par Victor Hugo.
Quelqu'un avait écrit quelque part : « Imaginez un paysage qui serait non seulement composé de plusieurs arches, mais même qui ne serait composé que d’arches, d’une infinité d’arches – c’est-à-dire de galeries connectées entre elles et de passerelles communiquant les unes avec les autres. Dans un tel paysage, il serait impossible de savoir si l’on se trouve dans un intérieur ou extérieur, dans du plein ou sur du vide – mosaïque spatiale composée d’un pur entrelacs de présences et d’absences. »
En bas, après avoir franchi d’autres arches encore, on se retrouve – contrechamp – au pied de l’orifice principal de la cavité, avec sa toison remontante de broussailles. Au pied de la nappe d’eau, tout se délie. On se croit à la fois géant et liliputien, on fraye entre les mondes et les ères, entre les continents du passé et les planètes futures. On boit à la coupe de l’éternité. Et quand on retrouve le soleil, impossible de savoir si on a rajeuni ou simplement retrouvé sa taille humaine.

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Août 2024
>> Pierres-mondes
Vernissage « Petite montagne creuse »

Une équipe de géologues imaginaires de l'IGI, en service recommandé au pied du causse Méjean, a exhumé des bords du Tarn une magnifique pierre-monde (ou gongshi ou spéléolithe) d'une bonne dizaine de kilos. Elle a été redressée, stabilisée et nettoyée, avant que ses galeries et ses communications internes soient méticuleusement révélées. Les photos que nous avons reçues à cette occasion sont superbes (n'hésitez pas à nous en réclamer quelques reproductions). Un vernissage à base de chips au vinaigre et de cidre normand a été organisé sur site, le 17 août à 18h30. Vacancier·ère·s, visiteur·euse·s de passage et Ispagnacois·e·s n'ont pas manqué de se prêter au petit jeu de piste leur permettant de s'associer à ces réjouissances. Cette pierre-monde, baptisée « Petite montagne creuse » [n°48-25-001], vient rejoindre notre Musée éclaté des Pierres-mondes, dont une carte générale est en cours de réalisation.

[PS : Les mêmes géologues imaginaires n'ont pas manqué, au retour de leurs pérégrinations, de faire un détour par le petit port de F***, en Charente-Maritime, afin d'y prélever, sur un gisement connu d'eux seuls, une vingtaine de nouveaux spéléolithes. Ceux-ci seront prochainement présentés, à l'occasion d'une grande exposition hors-les-murs, aux Saint-Jeannais et Saintes-Jeannaises. Plus d'infos à venir...]

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Juin 2024
>> Gogottes
06/24 : Monument à Jacques Abeille

Depuis 2016, deux de nos agents fréquentent assidûment les carrières abandonnées de la forêt de Fontainebleau, à la recherche de ces concrétions de sables siliceux que géologues et minéralogistes désignent sous le nom, plaisant s’il en est, de « gogottes ». C'est ainsi qu'ils ont identifié les vestiges d'un ancien domaine des Jardins statuaires (voir ci-dessous). Alors que nous étions sans nouvelles de leur part, nous venons d'apprendre par voie postale qu'ils ont entamé, dans le creuset de l'une de ces carrières, une série de repérages visant à y élever prochainement, à partir des concrétions présentes sur le site, un gigantesque monument à la mémoire de Jacques Abeille, dont le récit Les Jardins statuaires reste la seule source fiable concernant la déconcertante géologie du monde des Contrées. Un prototype est attendu sous la forme d'une maquette en trois dimensions. Nous vous donnerons de plus amples informations à ce sujet le moment venu.

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Avril 2023
>> Gogottes
Un jardin statuaire à Plougasnou ?

En décembre 2016, deux agents de l’IGI découvraient, dans les replis de la forêt de Fontainebleau, une vaste zone sableuse peuplée d’étranges statues de grès siliceux. Pouvait-il s’agir là des vestiges d’un ancien domaine des Jardins statuaires ? On se souvient en effet que, dans son roman du même nom (Les Jardins statuaires, Le Tripode, 2016) l’écrivain Jacques Abeille racontait la rencontre d’un voyageur avec une antique confrérie de jardiniers, chargés, d’une génération à l’autre, de prendre soin et de cultiver de mystérieux plants de pierre. Ces derniers, après avoir été maintes fois taillés et transplantés, y devenaient ensuite d’imposantes statues, objet de culte et de dévotion sur tout le territoire des Contrées.

Pour en avoir le cœur net, nos deux agents retournèrent sur les lieux en janvier 2019 et en juillet 2022. Au cours de cette dernière visite, ils s’autorisèrent à prélever une jeune pousse [voir nos curiosa]. De retour à Plougasnou, et après un examen rigoureux, leur conviction fût faite. Alors, certaines rumeurs insistantes gagnèrent subitement en consistance ; car, en réalité, cela fait bien des années qu’on entend dire (par d’insaisissables vents) qu’un portail invisible relierait la forêt de Fontainebleau et l’illustre province des Jardins statuaires. Par acquit de conscience, nos deux chercheurs envoyèrent un moulage du jeune plant au même Jacques Abeille, afin que ce dernier pût achever d’en authentifier l’illustre provenance. Malheureusement, le regretté écrivain est mort avant d’avoir pu répondre à leur requête.

À cette heure, la pousse statuaire a rejoint les rangs de notre cabinet de curiosités. Quant à nos deux agents, ils sont repartis en Fontainebleau, afin de combler quelques importantes lacunes de leur enquête. (Nous espérons recevoir rapidement le compte rendu de leurs investigations ; car il semblerait, à l’IGI, que les chercheurs soient toujours plus prompts à partir pour l’aventure qu’à rédiger, ensuite, leurs rapports...). Toutefois, les mêmes ont eu la joyeuse idée de nous envoyer, tout récemment, par voie postale, une demi-douzaine de bulbes de pierre [voir également nos curiosa], afin que nous les plantions sur l’une ou l’autre des plages de notre commune. Qui sait alors si, après que nous les aurons taillés, et transplantés autant de fois que nécessaire, ne s’épanouiront pas un jour, sur nos rivages, quelques-unes de ces statues dont on dit qu’elles peuvent atteindre, à terme, les dimensions d’un monument ?

Nous vous tiendrons évidemment informé des résultats de cette réjouissante initiative.

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>> Gogottes
Gogottes et Jardins statuaires : un début de bibliographie

Jacques Abeille, Les Jardins statuaires, Le Tripode, 2016.
Jacques Abeille, Le Veilleur du jour, Le Tripode, 2016.
Jacques Abeille, Les Barbares, Le Tripode, 2011.
Jacques Abeille, La Barbarie, Le Tripode, 2011.
Jacques Abeille, Les Voyages du fils, Le Tripode, 2011.
Jacques Abeille, La Grande danse de la réconciliation, Le Tripode, 2011.
Jacques Abeille, Les Carnets de l’explorateur perdu, Le Tripode, 2020.
Jacques Abeille, La Vie de l’explorateur perdu, Le Tripode, 2020.
Roger Caillois, « Concrétions siliceuses », in : Pierres, Gallimard, 1966.
Collectif, Le Dépossédé. Territoires de Jacques Abeille, textes réunis par Arnaud Laimé, Le Tripode, 2016.
Martin Mongin, Le Livre des Comptes, Tusitala, 2025.


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Institut de Géographie Imaginaire — 2025