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[Note d’intention] Les écueils marins ont toujours été appréhendés comme des lieux de perte et/ou de relégation, à l’écart du monde, bons seulement pour les naufragés et les prisonniers. C’est Edmond Dantès sur l’îlot d’If, c’est Gilliat sur le rocher Douvres, c’est Auguste Blanqui sur le rocher du Taureau (après avoir déjà goûté aux geôles du Mont Saint-Michel et de Belle-Île). Les bateaux les évitent en même temps que l’imagination, inquiète, projette sur eux toutes ses métamorphoses. Et si ces rochers, loin d’être coupés du monde, étaient au contraire à la convergence de tous les mondes ? Et si, du fait de leur qualités topologiques et géographiques, ils étaient en communication directe avec les grandes fontaines blanches qui, partout
dans l’univers, sèment d’autres planètes Terre dans l’infini ?
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Juin 2025
Blanqui-l’infini
En mars 1871, alors que la Commune de Paris se lève, Auguste Blanqui, révolutionnaire résolu et insurrectionnaliste virtuose, est enfermé et mis au secret dans un geôle du château du Taureau, dans la baie de Morlaix. Là, coupé du reste du monde, il écrit un ouvrage énigmatique, L’Éternité par les astres, dans lequel il radicalise l’hypothèse de l’infinité cosmologique. Dirigé contre la cosmologie de Laplace, plein de digressions sur la nature des comètes et des nébuleuses, extrapolant l’existence de lointaines planètes-sosies : rien de moins politique à première vue que cet ouvrage.
Pourtant, lors de son transfert à Paris, Blanqui exhorte sa sœur : « […] le manuscrit n°2, L’Éternité par les astres, doit être imprimé à présent, tout de suite, le plus promptement possible. » Et plus tard : « À mon grand désespoir, tu n’as jamais voulu faire attention à ce malheureux manuscrit qui était dans ma caisse. Tu l’y as laissé dix jours, dans regarder. Je n’en dormais pas. Tu n’as jamais voulu comprendre que j’ai fait cet ouvrage là-bas pour me défendre contre le dragon que je voyais menaçant. Tout mon secours, toute ma défense étaient dans cet ouvrage. […] quand je t’ai parlé de mon manuscrit en te disant ce que c’était, tu m’as répondu qu’on me prendrait pour fou. »
Comment comprendre de telles paroles et un tel sentiment d’urgence ? Faut-il qu’il y ait là, caché entre ces lignes écrites en caractères microscopiques, quelque chose de grand et de rare, pour la révolution ? On sait que Blanqui, écrivain-prisonnier, avait développé des techniques de calligraphie et de cryptage afin de contourner la censure. Y
a-t-il, au milieu de ces démonstrations cosmologiques, un message, que Blanqui aurait souhaité adresser à ses camarades ? Ou au contraire à ses ennemis politiques ?
Les commentateurs, de Walter Benjamin à Jacques Rancière en passant par Miguel Abensour et Lisa Block de Behar, ont essayé de percer la carapace du texte pour en donner une interprétation conforme à l’engagement de Blanqui. Pourtant, à rebours de toute espérance révolutionnaire, la pensée de « l'Enfermé » y abonde dans le sens du fatalisme cosmique et du éternel recommencement du même – l'un et l'autre présidant à une vision infernale de la répétition.
Blanqui aurait-il abdiqué ? Mais pourquoi dire alors que « Tout [son] secours, toute [sa] défense étaient dans cet ouvrage » ? Aussi convaincantes les hypothèses formulées par ses commentateurs soient-elles, le mystère n’est pas entièrement résolu. Et c’est en géographes imaginaires que nous souhaiterions, quant à nous, apporter notre pierre à l’édifice. Car il se pourrait aussi que, à la verticale du rocher du Taureau et des flancs de la merveilleuse l'île Stérec, Blanqui ait capté les courants descendants d'un formidable gisement de mondes possibles.
[Pour lancer cette enquête, et lui donner immédiatement une dimension collective, nous vous invitons à nous rejoindre le jeudi 12 juin, dans le cadre des Rivages en feu, pour une soirée d’hommage à Auguste Blanqui (rendez-vous à 20h30 au parking du cairn de Barnénez. Après un pique-nique face à la baie de Morlaix et la lecture de quelques morceaux choisis de son œuvre, nous chercherons à nous approcher au plus près de cette grande brèche qu’il a ouvert dans la voûte céleste.]
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Un compte-rendu de l’hommage collectif du 12 juin, en forme d’expédition nocturne, est disponible ici.
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Août 2024
Du point géométrique considéré labyrinthiquement
[Nous reproduisons ici une partie de la réponse qu’Armande Vueck, célèbre mathématicienne genevoise, a donné à la question que nous lui posions concernant les rapports du point et de l’infini.]
De : Armande Vueck
Envoyé : mardi 01 août 2025 22:25
À : IGI
Objet : Re: Demande d’éclaircissements concernant la nature du point géométrique
« [...] Vous voulez vraiment savoir ce qui se cache derrière l’apparente intangibilité du point ? Dans la nouvelle « La Mort et la boussole » de Jorge Luis Borges, le policier Lönnrot dit à Red Scharlach, son futur assassin, à propos de ses précédents crimes : « Dans votre labyrinthe, il y a trois lignes de trop. Je connais un labyrinthe
grec qui est une ligne unique, droite. Sur cette ligne, tant de philosophes se
sont égarés, qu’un pur détective peut bien s’y perdre. »
Je me permettrai, quant à moi, de faire un pas de plus que l’écrivain chilien, ou plutôt un pas de recul, puisque je vais caractériser ici un labyrinthe qui, pour le coup, a une dimension de moins encore que
cette mystérieuse ligne droite – un labyrinthe qui n’a donc pour ainsi dire plus de dimensions du tout. Et ce labyrinthe évanoui, c’est justement le point.
Certains ne manqueront pas de se récrier. Comment pourrait-on sérieusement se perdre sur un point ? Personne n’ignore que, dans ses Éléments, Euclide définit le point comme étant « ce qui n’a aucune partie ». Sans parties, sans étendue, comment pourrait-on même commencer de s’y mouvoir – condition minimale à toute possibilité d’égarement ? Indivisible, invisible même, le point serait une pure abstraction et il ne posséderait par là même aucune tangibilité spatiale.
Et pourtant, il faut bien qu'il soit quelque chose d’un peu plus consistant que cette « fiction métaphysique » à laquelle le réduisait Platon. Non pas un rien, mais un presque-rien. Ainsi, pour Aristote, le point est d'abord position – et position pure. Il se confond ainsi avec l’endroit où il se trouve. Le point, c’est ce lieu au sein duquel on ne peut distinguer aucun autre lieu que lui-même. Mais le point est aussi une puissance. Dénué de toute consistance spatiale, on a pu dire qu'il était la condition de possibilité de tout espace possible. Pour les géomètres de l’Antiquité, les points étaient ainsi les « constituants » fondamentaux, les « atomes », dont étaient faits les droites, les plans et l’espace – envisagés comme des ensembles de points.
Mais la véritable puissance du point, c’est peut-être son pouvoir d’arrêt, ou de division. La troisième définition des Éléments ne stipule-t-elle pas que « les extrémités d’une ligne », autrement dit les deux endroits où elle s’achève, « sont des points » ? De même, chez Aristote, la ligne n’est-elle pas une grandeur qui ne peut être divisée, et donc stoppée, à nouveau que par le point ? Ce dernier semble donc pouvoir opérer comme un agent de terminaison ou de cessation – ou, pour le dire autrement, comme un
obstacle.
Comment un rien peut-il mettre un quelque chose à l’arrêt ? Voilà la question ! Je rappellerai simplement ici que le point (punctum) est aussi ce signe de ponctuation servant à marquer la fin d’une phrase, d’un syntagme ou d’un groupe de sens important – marquant graphiquement une pause dans un énoncé, si ce n’est son terminus. [...]
Vous me direz que penser le point in abstracto est sans intérêt pour vous, géographes imaginaires, si nous ne cherchions pas, ensuite, à en retrouver l’ombre dans le monde qui nous entoure. Autrement dit, si nous ne mettions pas ce
que l’on sait du point géométrique à l’épreuve du point géographique. Encore faut-il qu’un tel point existe. Selon an-Nairīzī, commentateur arabe des Éléments d’Euclide, celui qui recherche l’essence du point géométrique peut songer, dans le monde sensible, au centre de l’univers ou aux pôles. Quant à moi, si le point est ce presque-rien dont la position est tout et les parties
sont du vide, je n’en ai trouvé qu’un seul analogon – à savoir : l’écueil. [...] »
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Institut de Géographie Imaginaire — 2025
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