Institut de Géographie  Imaginaire
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Abîmes, Enfers et autres trous sans fond
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[Note d’intention] Le mot « abysse » vient du grec ancien ἄβυσσος : adjectif composé de ἀ- (a- : « sans ») et βυθός, (bythós : « profondeur ») ou βυσσός (byssós : « fond de la mer ») et désignant ce qui est sans fond ou insondable. Il est avéré aujourd’hui, du moins jusqu’à preuve du contraire, et nonobstant certaines pratiques archaïques comme le dépôt de fûts de déchets nucléaires dans les fosses sous-marines, que de telles abysses ont un fond. Indépendamment de la signification océaniques de ce terme, on signale aussi, çà et là, l’existence de « trous sans fond » continentaux - qu’ils s’ouvrent dans le karst ou des tourbières peu fréquentées. Par exemple : le Trou sans fond de Sommeville, en Haute-Marne, ou le Trou sans fond de Besain, dans le Jura. L’existence avérée et répétée de telles curiosités topologiques a conduit l’Institut de géographie imaginaire (IGI) à s’y intéresser de près. Car il y a, croyons-nous, toute une dialectique du trou sans fond qui incite les femmes et les hommes aussi bien à les fuir à toutes jambes qu’à les rechercher avidement. Que se passe-t-il à proximité des trous sans fond et dans leurs entrailles ? Qui les fréquente et pour quelles obscures raisons ? Et surtout, qu’avons-nous à redouter d’eux - ou au contraire à en espérer ? Voilà autant de questions sur lesquelles un géographe imaginaire conséquent ne peut décidement pas faire l’impasse. Dont acte.

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Septembre 2025 • Opération « Youdig »

Alors que, autour de nous, le monde semble décidé à continuer sa plongée vers les profondeurs plutoniennes, un envoyé de l'IGI est parti, sac sur le dos, en direction du Yeun Elez, dans les Monts d'Arrée. En ligne de mire : le « Youdig », cette « crevasse traîtresse que voilent de longues herbes aquatiques et dont personne, au témoignage des habitants, n'a jamais pu sonder le fond. C'est l'ouverture béante du puits infernal, quelque chose comme l'Orcus breton. » (A. Le Braz) Or il était admis, autrefois, que des esprits malfaisants, les bleizi du, pouvaient s'échapper de cette béance. Notre envoyé s'est donc employé, dans un premier temps, à localiser ce point de passage (bonde, trappe, porte, portail) – afin de pouvoir, ensuite, en examiner le statut. Pendant cinq jours, il a arpenté les rives du réservoir Saint-Michel, non sans être passé préalablement à Huelgoat, au lieu-dit « Le Gouffre » ( Toull don), supposé être lui aussi un passage vers le monde des morts. Ce qu'il a vu à cet endroit ? Beaucoup de couples de retraités pressés de se prendre en photo devant l'abîme en question, de même que dans les entrailles de la Grotte du Diable. A Brennelis, il s'est enquit de savoir si, pour les anciens, le Youdig correspondant à une vaste zone, ou s'il était localisé avec précision (et auquel cas s'il se trouvait sous les eaux lac ou dans la partie émergée du Yeun). À ce sujet, les réponses qu'il a obtenues sont contradictoires (comme le sont les descriptions qu'en rapporte Anatole Le Braz). Certain·e·s lui ont affirmé que le Youdig coïncidait avec l'ensemble du bassin marécageux (dans lequel, enfant, ils avaient interdiction absolue de s'aventurer), d'autres qu'il existait encore peut-être une mare, à proximité des pontons de circuit des tourbières, d'autres encore que le Youdig se trouvait originellement à un endroit bien précis, à proximité du barrage. Le Roc'h Cléguer, qui domine la sombre cuvette, semble tenir une place importante dans les légendes associées. A la Maison du lac, l'animatrice de l'exposition temporaire, tout à la gloire d'EDF et de l'énergie nucléaire, a balayé toute possibilité de trou sans fond immergé à l'aplomb de la retenue d'eau : le lac ne dépasse pas selon elle les douze mètres de profondeur. Autour du site de la centrale, l'ambiance est lourde (barrières métalliques, rouleaux de fil barbelé, panneaux « danger »), appuyant la conviction qu'il se passe quelque chose de pas très reluisant dans ces parages. Des recherches approfondies sont en cours et une expédition sous-marine, à l'aplomb du barrage, est en cours de préparation.

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Juillet 2025  • « Le vestibule de l’inconnu » (A. Le Braz)

On nous dit que l’une des porte de l’Enfer se trouverait quelque part dans le Yeun Elez, large dépression marécageuse des monts d’Arrée, célèbre pour ses tourbières, mais aussi son barrage voûte et sa centrale nucléaire. Anatole Le Braz, dans sa Légende de la mort, en parle en ces termes :

On dirait, en été, une steppe sans limites, aux nuances aussi changeantes que celles de la mer. On y marche sur un terrain élastique, tressé d’herbes, de bruyères, de jonc. À mesure qu’on avance, le terrain se fait de moins en moins solide sous les pieds : bientôt on enfonce dans l’eau jusqu’à mi-jambes et, lorsqu’on arrive au cœur du Yeun, on se trouve devant une plaque verdâtre, d’un abord dangereux et de mine traîtresse, dont les gens du pays prétendent qu’on n’a jamais pu sonder la profondeur. C’est la porte des ténèbres, le vestibule sinistre de l’inconnu, le trou béant par lequel on précipite les « conjurés ». Cette flaque est appelée le Youdig (la petite bouillie) : parfois son eau se met à bouillir. Malheur à qui s’y pencherait à cet instant : il serait saisi, entraîné, englouti par les puissances invisibles.

Certains se sont félicités un temps que cette sinistre flaque ait été définitivement engloutie sous les eaux du réservoir Saint-Michel (par exemple Ouest-France, le 04/02/2018 : « Le barrage du réservoir Saint-Michel a été construit dans les années trente pour alimenter l'usine électrique de Saint-Herbot. Le marais, situé dans la cuvette, a été noyé, et les croyances avec : difficile d'imaginer les Damnés escaladant un barrage de 12 mètres pour venir hululer dans la lande... »). Tout porte à croire, cependant, au vu de l'état du monde, que la porte, où qu’elle soit, est restée entrouverte. Une équipe détachée de l’IGI ambitionne de se rendre sur les lieux, de chercher la trappe en question et, si elle est bien restée ouverte, soit de la cadenasser efficacement, soit, si la béance qu'elle cache s'avère praticable, d'y jeter un œil et peut-être – car comment des géographes imaginaires pourraient-ils résister à un tel appel de l'inconnu ? – de se risquer à l'intérieur.
Si vous avez des informations au sujet de la de localisation de cette « porte », ou « bonde » infernale du Yeun Elez, n’hésitez pas à nous écrire à l’adresse suivante : igi@riseup.net.

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Juillet 2025 • Le « Trou sans fond » – Saint-Jean-du-Doigt (29) – B

« Ils l'ont trouvé ! », comme l'écrivait Le Trégor du 24/06/25, résumant en quelques mots notre trépidante enquête qui a occupé une dizaine de participant·e·s, à l'occasion des Rivages en feu de juin dernier. Après trois demi-journée de porte-à-porte, de lecture de carte et de course d'orientation, nos valeureux aventuriers et aventurières, secondé·e·s par l'incontournable Gilles Bruni, pionnier honoris causa dans la recherche de trous sans fond en France et dans le monde, ont pris le chemin de ces vastes prairies tourbeuses qui séparent la grève du charmant bourg de Saint-Jean-du-Doigt. Et c'est peu dire qu'ils et elles avaient fière allure, pour ce que nous en avons aperçu, jumelles à la main, depuis le parking de la plage de Plougasnou. Équipé·e·s de perches immenses, destinées à sonder la tourbière à l'endroit où elle ouvre sa gueule insondable, ils  et elles ont cheminé jusqu'au niveau d'un petit bosquet de saule, avant de pénétrer dans l'ombre – et c'est là que nous avons perdu leur trace. Ce qui s'est passé là, dans le secret de cette jungle coupée du reste du monde, au milieu des orties et des ronces sorties des vasières ? Nous n'en savons rien encore, ces joyeux drilles repoussant le moment de nous envoyer leurs conclusions écrites. Nous avons bon espoir, toutefois, de recevoir bientôt quelque chose et, qui sait, d'y trouver l'occasion d'une publication à venir. [A suivre...]

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Juin 2025  • Le « Trou sans fond » – Saint-Jean-du-Doigt (29) – A

On raconte qu’il y aurait, entre le bourg de Saint-Jean-du-Doigt et la plage de Plougasnou, un mystérieux « trou sans fond », caché au milieu des pâturages, dans une importante zone de fondrières. Du matériel agricole y aurait disparu, des bêtes s’y seraient enlisées sans jamais en ressortir. Dans les années 60 et 70, on enterrait presque au même endroit les déchets souillés des marées noires (Torrey Canyon, Amoco Cadiz) – avant que, dit-on, le site soit finalement nettoyé. Y aurait-il un lien entre ces événements ? Et faut-il croire la rumeur voulant que ce trou soit apparu pour punir un proche châtelain de son avarice ? A l’occasion des Rivages en feu, nous chercherons à répondre à ces questions en interrogeant les habitant·e·s du bourg et de ses environs. Les résultats de ces recherches ont présentés collectivement, par les enquêteurs et enquêtrices, le samedi 14 juin 2025. [Télécharger la liasse consacrée à cette enquête ici.]

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